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Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

MIROIR DE L'ART


 

https://www.recoursaupoeme.fr/florence-dreux-sylve-et-autres-poemes/

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

SYLVE

par Florence DREUX



PAR ANNE BILLON


La chercheuse de lumière

Claire doute.

Elle travaille à ne plus douter, à la fois forte d'une opiniâtreté redoutable et fragile de la vulnérabilité des êtres qui craignent que leur univers intime ne soit pas perceptible du plus grand nombre. Elle travaille des journées entières, parfois dans le froid d'un atelier qui, s'il est majestueux, offre un confort rudimentaire. Ses œuvres la dépassent, littéralement, par leurs dimensions ; mais ne se perd-elle pas aussi dans leurs méandres nocturnes laissant venir à elles des rêveries étranges et inquiétantes pour ceux qui ne sont pas de ce monde-là ?

Et ses dessins se dressent, comme un déni au doute. Ils existent et nous embarquent, sombres vaisseaux de mers intérieures.

Le noir nous happe. Depuis 1995, ayant abandonné la couleur, son domaine est fait de brumes ombreuses, de nuits profondes révélant parfois

des formes spectrales, mi-homme mi-bête, des étangs enchâssés de bois obscurs, des paysages purement romantiques où la mélancolie se doit d'être douce.

Pas de couleurs. Ce que l'artiste cherche est plus aveuglant, plus douloureux : la lumière. Comment expliquer autrement l'utilisation de supports opalescents (le calque polyester depuis 2003) voire transparents (la gravure sur plexiglas, le verre depuis peu) ? Derrière la pierre noire, la lumière est là, hésitante, peinant à percer et pourtant faisant exister plus encore l'œuvre, lui offrant son alter ego créateur. Une lumière qui, s'extirpant de coulées solides, apparaît peu à peu sous les coups de gomme de l'artiste donnant naissance, par effacements successifs, à des portraits, des déesses (2010), des animaux (2012), mêlant à la figuration fidèle et experte des formes abstraites. Les opposés s'entremêlent : le liquide et le solide, le figuratif et l'abstrait, l'ombre et la lumière.


 

Elle affirme : « Quelque chose s'absente par l'effacement. Ou l'incapacité à faire émerger. Ou par trop de nuit ».

La nuit qui lutte encore contre la lumière naissante des aubes à venir, dont le voile vient à étouffer les derniers éclats du jour, lutte sans cesse renouvelée, cycle des jours et des nuits où l'artiste nous fait cheminer entre chien et loup, en un crépuscule éternel.

« Mon travail traduit un désir de réunir les opposés, de rendre transparent ce qui sépare non pas pour unir, mais pour faire l'expérience de la juxtaposition des contraires. L'étrangeté. »

Claire Espanel vit et travaille à Puisseguin.

_______________________________________________________________________________


PAR LOUIS DOUCET 
 
 
Claire Espanel – Voler et chuter dans la forêt


L’homme en tant qu’homme ne peut vivre horizontalement.
Son repos, son sommeil est le plus souvent une chute.
Gaston Bachelard[1]
Les dessins de Claire Espanel sont réalisés à la pierre noire sur de grandes feuilles de papier calque polyester. Elles sont libres, légèrement plombées à leur base, suspendues à distance du mur, réagissant au moindre souffle d’air ou au déplacement du spectateur. La matité diaphane du support leur confère de rares qualités tactiles et sensuelles. Elle incite à transgresser le noli me tangere, l’interdiction de toucher habituellement attachée aux œuvres plastiques en état de monstration.
    Ses compositions évoquent des créatures indéterminées flottant à la cime des arbres dans des sous-bois crépusculaires, des corps hybrides lévitant dans un espace à la lumière cristalline, la chute vertigineuse de carcasses démembrées, la rencontre de l’eau et de l’air également insondables, des crépuscules interminables… L’atmosphère doit évidemment au surréalisme dans son versant nocturne, mais on y trouve aussi des réminiscences lointaines d’œuvres de Kubin ou de Böcklin.
    Pour Freud, rêver que l’on chute dans le vide révélerait une aspiration à se laisser aller, à renoncer à vouloir contrôler son environnement. Ce serait aussi une forme de vertige révélateur d’un sentiment d’insécurité vis-à-vis de la réalité, de la difficulté d’assumer des prises de décisions, d’appréhension de ne pas être à la hauteur de la situation, de crainte d’assumer ses désirs sexuels… Il y aurait aussi, toujours selon le fondateur de la psychanalyse, un sentiment de toute-puissance réfuté par l’inconscient qui ramènerait le rêveur à sa condition de victime de ses pulsions incontrôlables. Pour Jung, rêver de chute serait la manifestation du rejet de la représentation sociale que le sujet se fait de lui-même, pour enfin s’accepter tel qu’il est, avec ses faiblesses et ses fragilités.
    Il y a probablement un peu de tout ceci, dans les dessins de Claire Espanel, mais aussi et surtout ce que Heiner Müller constate : « La plus grande chute est celle qu’on fait du haut de l’innocence. »[2] Le strict confinement dans des registres de noir et de blanc provoque un sentiment de manque, de suspension du temps, de rejet de toute épiphanie[3], l’évidence d’un désir régressif de revenir à un état d’innocence, de béatitude antérieure, que le caractère embryonnaire des créatures représentées laisse soupçonner. On y lit un refus de toute volonté d’action, de celle-là même dont Maritain écrivait qu’elle « est une épiphanie de l’être ».[4] Ses figures ne se dévoilent pas comme des créatures de chair et de sang. Elles ne sont que des fantômes, des spectres, des possibilités d’entités qui restent désespérément virtuelles, des âmes mortes ou à naître… Des âmes hésitantes, en apesanteur, à la limite du chavirement, reflétant la perte de leur blancheur immaculée dans la noirceur de la surface dont elles émergent. Ce sentiment de précarité essentielle est accentué par les incertitudes du geste de l’artiste : longue succession de recouvrement et d’effacements rageurs, jusqu’à ce que le sujet surgisse, fragile, presque timide, comme par miracle. De ce long processus, il subsiste comme un tremblement, un frémissement ou un bruissement, celui d’un chuchotement confidentiel d’une confession à peine audible, de la reconnaissance d’une culpabilité pourtant inavouable… Tremblement des formes, du support laissé au gré des courants d’air, de la ligne contrariée par les griffures des effacements nerveux, mais aussi de la texture du noir simultanément affirmé dans sa présence palpable et incertain sur son substrat cristallin…
    La forêt est omniprésente dans les dessins de Claire Espanel. Elle fait résonance à Bachelard quand il écrivait : « La forêt est un état d’âme. »[5] On y trouve aussi un écho des Correspondancesbaudelairiennes et de l’homme plongé dans des « forêts de symboles / Qui l’observent avec des regards familiers. »[6] Les sous-bois sont, pour les psychanalystes, le symbole de la féminité, de son mystère, de la mère primitive, de sa nature sauvage et instinctive. Ils jouent le rôle d’un miroir révélateur de la nature profonde de la femme. Mais leur beauté peut être source d’oppression, d’étouffement de la personnalité. Ce sont là que se terrent les personnages des contes immémoriaux et des légendes enfantines : les animaux sauvages, les voleurs de grand chemin ou les ogres… Apaisement et frayeur… Renoncement et vitalité... Lucidité et inconscience… Instinct et raison…
    Les futaies nocturnes de Claire Espanel sont quelque peu cannibales. Elles font penser à un vers de Guillevic évoquant son Argoat : « Les forêts le soir font du bruit en mangeant. »[7] Au niveau des cimes des arbres ou plus bas, près du sol, lévitent des masses de chairs informes. On pense aux pièces de viande à l’étal d’un boucher, aux bocaux de formol contenant les échantillons pathologiques anatomiques du musée Dupuytren, aux dessins de Bellmer ou aux corps torturés de Bacon… Ces chairs hybrides en suspension, ni animales ni humaines, sont recroquevillées sur elles-mêmes, en position fœtale, comme ficelées, empaquetées par des liens invisibles. On peut y distinguer, tour à tour, un bassin, une tête, une croupe, des organes sexuels féminins, des fesses, un tronc, un bras ou une jambe, un visage, peut-être… Ces images furtives se dissolvent pour céder place à d’autres qui surgissent comme par derrière, de la réserve du blanc, tremblantes et incertaines vibrations laborieusement arrachées par de violents coups de gomme à l’intense magma du graphite… Ces êtres sont-ils liquides ou solides ? Sont-ce de gros mammifères atrophiés ou des insectes hypertrophiés ? Peu importe… Ce sont, avant tout, des corps las, exténués, ayant renoncé à toute volonté. Ils ont lutté jusqu’aux extrêmes limites de leurs forces. Ils viennent juste d’abandonner le combat et ne tiennent plus que par la tension des noirs et des blancs, résultant d’un combat par trop inégal entre l’artiste et la matière noire. Ils sont lunaires,[8] éclairant d’une lumière froide l’obscurité d’une nuit insondable. Ils sont sur le point de capituler, livrés, sans défense, à l’appétit ogresque de la forêt carnivore…
    Même s’ils sont proches de l’engloutissement, ces corps continuent pourtant à flotter, à voler. Chez Freud, rêver que l’on vole dénote, chez les femmes, un désir de rencontre érotique. C’est, plus généralement, l’expression d’un sentiment de culpabilité, de la volonté d’échapper à une situation résultant d’une faute commise, réelle ou imaginaire. Voler, c’est fuir la prise de responsabilités, le monde réel et ses contraintes, au risque, comme Icare, de se brûler les ailes et de ne jamais pouvoir revenir sur terre. Lacan, lui, établit un parallèle entre les deux sens du mot voler, renforçant ainsi la notion de faute et de culpabilité. Pour les Jungiens, le rêve de vol traduit un désir de quitter son écorce corporelle, inconfortable, pour s’affranchir des contingences matérielles.
    Les dessins de Claire Espanel embrassent tous ces sens, mais ouvrent la voie à d’autres lectures. Il y est question de limites dont les corps cherchent à se dégager, à l’instar des effacements qui révèlent et libèrent la forme de la gangue abyssale de la lave noire… De points de fuite improbables ouvrant les portes sur un invisible occulté par la surface opalescente du calque… Du corps-à-corps de l’artiste avec une matière rebelle jusqu’à cet instant de grâce, hors du temps et de l’espace, où tout se tient enfin, comme par prodige… D’errance, dans un univers où les choses les plus sûres deviennent instables, spectrales et fuyantes… De tâtonnements indécis et d’affirmations incarnées… De sensualité tactile et de cauchemars prégnants… D’immédiateté et d’éternité…
    Et bien d’autres choses encore…
Louis Doucet, décembre 2015


[1] In L’air et les songes.
[2] In Nous sommes cruels.
[3] Au sens étymologique de ce terme : manifestation d’une réalité cachée.
[4] In Humanisme intégral.
[5] In La poétique de l’espace.
[6] In Les fleurs du mal.
[7] In Carnac, in Terraqué.
[8] Donc féminins, dans la culture latine. À l’opposé, dans les cultures nordiques, le soleil (die Sonne) est féminin et la lune (der Mond) masculine. Les effigies nocturnes de Claire Espanel brouillent ces pistes en mêlant les attributs des deux sexes.



 Par Yannick LEFEUVRE

VIVRE DE L’ART n°3 ,2016


S'il en est d'une âme, son imprévisible rencontre fut peu imaginée. Sur la transparence d'un calque, elle trace la présence possible de l'entité. Ni animale, ni humaine une chair en suspension nous signale son existence. Elles sont là. Ils sont là enfin visibles. Dans ce paysage d'ombres, de silhouettes de troncs posés sur un sol liquide, des êtres hybrides recroquevillés sur eux mêmes se tiennent comme en lévitation. Claire Espanel s'en tient au noir et blanc, blanc d'autant plus profond que le noir puissant le fouaille au corps. L'artiste ouvre notre esprit à l'incomplétude, à quelque chose en train de se faire, de se mouvoir et de tenter d'exister... Ce temps suspendu que l'artiste nous donne à ressentir est rare.

 

Temps de silence, malaise à traverser, bruissements chuintés qui donneront poids à ces entités esseulées qu'elle nous révèle. Parcelles de mouches, morceaux de bestioles saisis en plein vol, fluidifications et révélations de visages en extensions vibratiles. Elle crée des limites qui s'effacent d'elles mêmes sur des fonds aux abysses confus. Une fois happé par un point de fuite que sa toile organise, nous voilà dépositaires de l'invisible. Alors, nous reviendrons vers ses toiles énigmatiques avec au bord de nos lèvres une question essentielle... celle du poids possible de notre âme en devenir.

 

 

 

Article de presse : 

ARTENSION


 
 
 
 Fanny Begoin
MIROIR DE L'ART










 
 
Miroir de l'art
 

 

 

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.

Sylve

 

                        À Claire Espanel,

La fenêtre est ouverte.
L’est-elle vraiment ?
Le temps toujours
Abolit le cadre.
Alors l’âme apprend l’arbre
Dans l’humilité du ciel
Et s’émeut du vent
Dispersant ses prières.
Deviendront-elles nuages,
Traversées d’oiseaux ?
Qu’importe !
Ici l’air est vaste
Où les mots ne suffoquent pas.
Mais peut-être faudrait-il se taire ?
Ne rien écrire
Pour ne rien gâcher du silence ?        
S’immiscer dans les interstices du langage ?
Mais comment, si ce n’est en empruntant
Les voies mêmes du langage ?

***

Le cœur dit pourtant :
— Célèbre aujourd’hui le vol de l’oiseau :
Milan, mouette ou tourterelle, 
Qu’importe ?
Nulle lutte de classe ici,
Nulle distanciation.
Entre ton œil et leurs ailes,
Entre ton lit et leur ciel
La lumière
Et dans celle-ci, leur ombre.
Est-ce au-delà de la fenêtre
Ou au-delà de toi ?
Qu’importe !
Ici est le lieu
De la conversation secrète.
Si tu ne peux comprendre
Sache écouter.
Habite ce qui t’échappe.

***

Mais déjà les longs fûts gris s’élèvent
Tout chargés d’âmes.
Si la nuit te tient éveillée,
Ne l’empêche pas ;
Elle seule a pouvoir de renaissance.  
Avec elle, un autre chant ;
C’est Orphée s’enfonçant
Jusqu’aux plus profondes racines
Où l’espoir s’est niché 
Sous la morsure du temps.
Dis-moi,
Comprennent-ils, tes frères humains,
Qu’ici se trouve leur fondement ?
Et toi, sauras-tu descendre ?
Retrouver la terre du commencement ?
Dans tes veines, sens-tu couler
La sève devenue sang ?

***

Racines en toi se perdent
Que tu ne soupçonnes pas.
Cherche, 
Explore
Ce qui existe déjà
Et ce qui n’est pas ;
Ce qui est en-deçà de toi
Mais pas encore toi.
N’essaie pas de démêler l’entrelacs,
Le nœud est trop puissant.
Trouve l’intervalle
Espère en ton silence. 
Si dire ne se peut,
Ecrire se doit.
Mais déjà le ciel s’incline
Et tu gis,
Horizontale.
Pardonne-leur,
Ils ne savaient pas.
A eux, il reste les étoiles.

***

Le jour est déjà là,
Les vers de la nuit
Perdus.
Qu’importe ?
Les riches eaux t’emportent
Au pied des aubes nues.
Poussé par le désir de sève,    
L’arbre s’époumone :
— Je viens du sol d’où sourd la lumière ;
Qu’importe si mes branches n’embrassent que l’air,
Elles seules connaissent l’amour du vent !
Survient alors le grand éploiement :
Feuilles, plumes
Corps et rêves                                                
Jaillis du fleuve vert
Où chacun en l’autre s’écoule.
L’écorce se tait
— Rivières et torrents ont tant de choses à raconter-
Et tu entres, comprise, dans la pensée organique du poème.

***

Sur tes lèvres, une parole :
— Même abattue je reste ;
Embrassée par le regard de l’enfant
Je croîs.